Parlons-en (14) – Vers une Wallonie souveraine
La Wallonie est structurellement minorisée dans un État belge dominé par la Flandre. Ce n’est pas nouveau. Cependant, les élections du 26 mai 2019 ont marqué une véritable rupture. Impossible désormais d’ignorer la montée du Vlaams Belang (VB) ni non plus le fait que N-VA et Belang totalisent ensemble pas moins de 43 sièges des 87 sièges flamands que compte le parlement fédéral. La Belgique est bel et bien divisée entre Flandre et Wallonie. Moralité : chacun y va de sa petite solution communautaire.
Vous avez dit quatre régions ?
Ainsi, le MR Jean-Luc Crucke se prononce-t-il, dans une interview accordée à La Libre, en faveur d’une Belgique à quatre : « Je vois quatre Régions fortes pour un pays fort. Ceux qui parlent de refédéraliser des compétences ont tort. Il faut rendre ce pays plus efficace. » Ces quatre régions seraient bien sûr : la wallonne, la flamande, la bruxelloise et la germanophone. Van Parijs lui fait écho dans le Vif en plaidant pour une « confédération à quatre » et en affirmant : « En Belgique, on n’a pas deux démocraties, mais quatre : la Flandre, la Wallonie, Bruxelles et la communauté germanophone ».
A première vue, l’idée paraît sympathique ; elle l’est beaucoup moins lorsqu’on l’examine de près. En premier lieu, elle est totalement irréalisable parce qu’elle implique la suppression des communautés. Or, l’article 1 de la Constitution précise que « la Belgique est un État fédéral qui se compose des communautés et des régions ». C’est l’exemple-même d’un compromis « à la belge » : les communautés pour les Flamands et les régions pour les Wallons !
Imagine-t-on un seul instant que la Flandre, qui a, pour sa part, fusionné communauté et région, accepterait de renoncer à sa Communauté et à son lien organique avec Bruxelles ? Poser la question, c’est y répondre.
Mais il y a une seconde raison. Mettre les régions ainsi conçues sur un pied d’égalité est un non-sens. Il est inimaginable de créer une État germanophone de 70.000 habitants – capitale Eupen ? – qui aurait les mêmes compétences que par exemple, la Flandre et la Wallonie. Le même diagnostic peut être fait pour Bruxelles avec la circonstance aggravante que les Flamands s’y opposeraient immédiatement.
L’idée sympathique de départ s’avère donc une voie de garage, une impasse, qui n’a pas la moindre chance de trouver, fût-ce en un jour lointain, un début de concrétisation. Quel est alors la solution pour mettre fin, définitivement, à la minorisation de la Wallonie ?
Un État wallon
Sur le fond, il s’agit d’aller, par le biais d’une septième réforme de l’État, vers une Belgique articulée sur deux États – wallon et flamand – avec une place spécifique pour la région bruxelloise, la communauté germanophone continuant à exercer toutes les compétences qui sont aujourd’hui les siennes.
L’émergence d’un réel État wallon suppose des évolutions décisives en matière de compétences, d’outils financiers et de gestion de la dette publique.
Les compétences d’abord :
- Retour à la Wallonie de l’enseignement et de la culture ;
- La sécurité sociale et ses diverses branches, y compris les pensions ;
- La restructuration de la BNB qui devient un simple chapeau de deux caisses d’émission ;
- La mobilité et le cycle de l’énergie, plus quelques branches du droit.
Pour ce qui concerne les outils financiers, l’autonomie financière sera totale : l’impôt des personnes physiques sera perçu au lieu de domiciliation des ménages et la TVA sur le territoire correspondant des régions.
Enfin, la dette publique sera partagée selon des critères qui tiennent compte de la situation économique et financière des régions. Au total, Wallonie et Flandre géreront la part de cette dette qui leur est attribuée.
Que restera-t-il de la Belgique fédérale ?
Une simple coupole qui chapeautera les États flamand et wallon. Plus de parlement ni de sénat fédéral ; subsistera simplement, pour gérer les compétences résiduelles, un gouvernement fédéral composés de ministres provenant, à parité, des gouvernements wallon et flamand.
Dans une telle structure, la Wallonie sera pleinement souveraine et mènera les politiques qu’elle estime appropriées.
Les négociations pour aboutir à la souveraineté peuvent s’appuyer sur un article de l’actuelle constitution – l’article 35 – qui précise : « l’autorité fédérale n’a de compétences que dans les matières que lui attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution elle-même. »
En bref, cet article constitue un réel point d’appui pour fixer à un minimum les compétences de ladite autorité fédérale.
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