Parlons-en (12) – Le pacte dit d’excellence : encore et toujours de l’austérité
L’excellence concerne l’enseignement dispensé dans la fédération Wallonie-Bruxelles, à l’exception de l’enseignement supérieur et de celui de promotion sociale. Il est porté par le gouvernement PS-CDH tout entier, mais il est plus particulièrement lié à la personne de la très CDH Marie-Martine Schyns.
Vous appelez cela de l’excellence ?
Le pacte comporte des objectifs très généraux avec lesquels à peu près tout le monde sera d’accord. Par exemple, quand on lit (c’est l’axe stratégique 5) qu’il s’agit « d’assurer à chaque enfant une place dans une école de qualité », on ne peut qu’applaudir des deux mains. Toutefois, lorsqu’on examine de plus près le contenu réel dudit pacte, on aboutit à de toutes autres conclusions.
Jules Jasselette, ancien échevin de l’enseignement de la ville de Liège, résume comme suit les principales critiques – que je fais miennes – à l’égard du pacte : ce dernier implique « le creusement des inégalités, une dualisation accrue, la suppression de l’école technique au profit d’une filière qualifiante adéquationniste, un plan de pilotage qui va rendre le métier d’enseignant impossible à exercer, la fragilisation (avant disparition ?) de l’enseignement organisé par la Communauté, des avantages à l’école privée catholique, la mise en œuvre d’un processus de privatisation et de marchandisation de l’école. »
Vous avez bien lu : inégalités renforcées, suppression de l’école technique, fragilisation de l’enseignement public, etc. On comprend que de telles mesures suscitent une vive opposition des enseignants et au-delà, de tout qui est attaché à une école de qualité, réductrice des inégalités sociales. Cependant, le pacte s’inscrit aussi dans une pure logique d’économies budgétaires, ce qui est moins connu.
Un pacte austéritaire
Pour le dire sans ambages, le pacte prévoit explicitement nombre de restrictions budgétaires. Ainsi, son annexe II détaille les différentes économies programmées :
- Nouveau tronc commun : 44 millions d’euros ;
- Diminution du redoublement qualifiant : 4,4 millions d’euros ;
- Révision de l’offre du qualifiant : 37 millions ;
- Réduction du redoublement et du décrochage : 80 millions d’euros ;
- Optimisation des règles d’octroi du NTPP (= Nombre Total de Périodes Professeurs) : 30 à 50 millions d’euros.
Si l’on additionne ces différents montants, on aboutit à un total de 195 à 215 millions d’euros. C’est loin d’être négligeable compte tenu que le budget total de ladite Communauté française avoisine pour l’année 2019, les 15 milliards d’euros et que son déficit (le solde net à financer dans le jargon budgétaire) est égal à 364 millions d’euros !
En réalité, la Communauté française (CF) pratique une telle politique d’austérité de manière quasiment ininterrompue depuis le 16 janvier 1989, date à laquelle la « loi spéciale de financement » est entrée en vigueur.
Un puits sans fond
Les origines du problème remontent en effet à cette loi spéciale de 1989. À cette époque, les Communautés bénéficiaient de rétrocessions de la TVA basées sur le nombre d’élèves inscrits dans chaque communauté en 1988, ce qui donnait la clé 42,45% pour la CF et 57,55% pour son homologue flamand. Toutefois, les montants effectivement attribués cette année-là étaient respectivement de 43,51% et de 56,49%. Il fut donc prévu une période transitoire de 10 ans pour passer de la seconde clé à la première.
Mais on n’en restera pas là, car les partis flamands obtiendront dans la Loi spéciale du 13 juillet 2001 que les nouveaux moyens financiers octroyés aux Communautés soient répartis selon la clé du « juste retour », c’est-à-dire liés aux recettes de l’Impôt des Personnes Physiques (IPP) dans chacune des communautés. À nouveau, une période transitoire de 10 ans est prévue. Voici comment ont évolué les deux clés IPP et Élèves durant cette période :
2002 2007 2011
Clé IPP 35 60 90
Clé Nbre d’élèves 65 40 10
Clairement, c’est donc la thèse flamande du « juste retour » qui a prévalu.
Régionaliser l’enseignement, seule solution
Le véritable problème vient du fait que la CF ne dispose pas de pouvoir fiscal propre. Certes, la Constitution lui en reconnaît formellement un, mais dans les faits, il ne peut être mis en œuvre tout simplement parce qu’il est impossible de distinguer, du point de vue de l’impôt, Bruxellois francophones et flamands. D’où les problèmes structurels et récurrents de la CF.
Par contre, la Wallonie, comme la Flandre d’ailleurs, dispose d’un pouvoir fiscal propre. La solution qui consiste à régionaliser l’enseignement, s’impose donc d’elle-même. Pour autant, elle devra s’accompagner d’une rupture avec les politiques d’austérité aujourd’hui dominantes.
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