Parlons-en (8) – Vers un « Franckengate »
Histoire vraie où l’on narre comment un secrétaire d’État, flamingant rabique, aux sympathies diffuses pour les collaborateurs flamands du 3ème Reich, s’est pris les pinceaux dans une sombre affaire de visas humanitaires.
Qui est Melikan Cukam ?
Celui par qui le scandale est advenu se nomme Melikan Cukam. Ce n’est pas un inconnu, puisqu’il est conseiller communal N-VA à Malines, mais aussi comptable, depuis plus de vingt ans au CPAS de Ganshoren. A son tableau de chasse malinois figurait également la présidence de la Société malinoise de Logement social. Bref, un apparatchik moyen de la N-VA.
Ce n’est pas tout, car notre homme présentait aussi la particularité d’être issu de la « communauté assyrienne », constituée des chrétiens de Syrie et d’Irak. A ce titre, il était président de la Maison des Assyriens flamands. C’est ici que les choses se corsent, parce que Kucam a usé de cette qualité pour permettre l’attribution de visas humanitaires à des Syriens notamment, appartenant à cette communauté.
Quelques précisions sur ce point. La procédure de délivrance des visas était la suivante. Le secrétaire d’État Francken avait toute latitude pour distribuer ces visas à qui bon lui semblait. Or, il avait décidé d’en octroyer à la minorité chrétienne de Syrie, ce qui, en soi, est louable. Cukam, issu de cette communauté, servait alors d’intermédiaire et sélectionnait les familles qui, en Syrie, pouvaient bénéficier de cette faveur. Jusqu’ici, tout est à peu près normal.
Trafic d’êtres humains.
Le scandale a surgi lorsqu’on a appris que Kucam avait reçu une somme d’argent non négligeable – de l’ordre de 3000 à 14.000 euros – pour prix de la délivrance de chaque visa humanitaire. Par comparaison, le coût administratif d’un tel visa est de 350 euros.
D’après les chiffres donnés par Francken lui-même et confirmés par De Block, 207 personnes figuraient sur les listes présentées par Cukam. Si l’on prend une moyenne de 7.000 euros par visa, cela signifie que l’intermédiaire se serait mis en poche la rondelette somme de plus de 1.400.000 euros. Bref, de quoi s’assurer une retraite dorée.
Conclusion provisoire de l’affaire : Melikan Cukam a été interpellé le mardi 15 janvier et deux jours plus tard, il était placé sous mandat d’arrêt « pour trafic d’êtres humains, organisation criminelle, corruption passive et extorsion ». Excusez du peu !
Panique à la N-VA
Dès le mardi 15 janvier, dans la foulée de l’interpellation de Cukam, la N-VA décidait de de suspendre d’urgence le conseiller communal. D’autres réactions ont suivi immédiatement :
– la ministre flamande du Logement, la très N-VA Liesbeth Homans, décide d’ouvrir une enquête pour, dit-elle, « déterminer s’il y a eu des irrégularités au sein de la société de logement » ;
– le CPAS de Ganshoren décide, lui, de suspendre Cukam pendant toute la durée de l’enquête ; l’échevin des Finances de cette commune se dit « inquiet quant aux éventuelles implications de Monsieur Cukam dans la bonne gestion financière de notre CPAS ».
La question surgit immédiatement de savoir pourquoi la N-VA a réagi presque instantanément à cette décision de justice. La réponse est simple : pour éviter que son héraut électoral, Théo Francken, ne soit « mouillé » d’une manière ou d’une autre dans cette affaire de trafic d’êtres humains par exemple parce qu’il aurait été informé de certains éléments qu’il n’aurait pas communiqués à la justice.
Le Franckengate en marche
A peine placé sous mandat d’arrêt, Cukam a affirmé, par l’intermédiaire de son avocat, qu’il avait « averti le cabinet de l’ancien secrétaire d’État Théo Francken en juillet ». Par ailleurs, il y a quelques mois, en octobre 2018 plus précisément, la communauté syriaque avait envoyé une lettre que la RTBF s’est procurée et qui était adressée principalement à des parlementaires belges et européens. On pouvait y lire : « Nous savons que six personnes venant de Belgique sont derrière ces « transports ». Pour ce service, ils prennent 3.000 à 14.000 euros auprès des chrétiens de Syrie ».
Précisons aussi que Francken a dû lui-même reconnaître ses liens avec Cukam et il assuré que ce dernier, je cite, « avait abusé de sa confiance ». La photo jointe à cette chronique montre d’ailleurs que le premier et le second se connaissaient très bien.
Alors, négligence ou pire encore ? A ce stade, on ne sait. Une chose est sûre cependant : l’étau se resserre autour de la machine à voix de la N-VA.
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