Parlons-en (17) – Le temps presse
En 2010-2011, il a fallu 541 jours pour constituer un gouvernement fédéral. Il était composé des trois familles politiques traditionnelles (chrétiens, socialistes et libéraux) et présidé par un premier ministre nommé Elio Di Rupo. Aujourd’hui, la Belgique est à nouveau ingouvernable, mais prendre autant de jours pour constituer une coalition fédérale majoritaire est impensable, pour des raisons à la fois politiques et économiques.
Un gouvernement en affaires courantes
Traditionnellement, après des élections fédérales, le gouvernement sortant – dans notre cas, celui présidé par Charles Michel – est chargé d’expédier les « affaires courantes ». Le problème est que ce gouvernement était déjà en affaires courantes depuis le 21 décembre 2018, c’est-à-dire depuis que la N-VA a retiré la prise. Par conséquent, en ce 1er juillet, cela fait 192 jours que ledit gouvernement se trouve dans cet état d’inaction.
Circonstance aggravante, la coalition CD&V-Open VLD-MR ne dispose plus que de 38 sièges sur les cent cinquante que compte le Parlement fédéral. Elle est donc très minoritaire et pour atteindre la majorité de 76 sièges, elle doit nécessairement jeter ses filets très loin et négocier au coup par coup, notamment avec les partis socialistes et la N-VA. Tâche extrêmement difficile s’il en est et qui conduit tout droit à l’enlisement !
On dira évidemment que le gouvernement Michel peut, pour faire passer son budget, avoir recours aux douzièmes provisoires, ce qui signifie que les départements ministériels recevraient chaque mois un douzième du budget qui leur avait été octroyé l’année précédente. C’est de cette manière qu’avait procédé le gouvernement Leterme II lors de la longue période de crise des 541 jours. C’est de cette manière aussi que le gouvernement Michel fonctionne également depuis décembre.
Il suffit donc de continuer, sauf que d’autres dépenses, notamment en matière de soins de santé et de paiement des pensions, continueront à augmenter et viendront ainsi mécaniquement gonfler le déficit public.
Sur un plan politique, le maintien en affaires courantes du gouvernement Michel pendant de nombreux mois est par conséquent très malaisé. D’autres raisons, économiques celles-là, jouent dans le même sens.
Un flirt avec la récession ?
La Grande Récession avaient atteint les économies occidentales en 2008-2009. Une reprise assez marquée se marqua lors des deux années postérieures. Comme l’indiquent les données suivantes – elles mesurent le pourcentage de variation du Produit Intérieur Brut (PIB) hors inflation –, l’économie de la Belgique a suivi ce schéma général :
2008 | 2009 | 2010 | 2011 |
0,8 | -2,3 | 2,7 | 1,8 |
De toute évidence, le recul du PIB a été particulièrement net en 2009, mais a été compensé par une hausse encore plus significative en 2010. Il en résulte que lors des 541 jours sans gouvernement de plein exercice, il ne fallait pas trop se tracasser sur l’état général de l’économie : en quelque sorte, l’inaction n’avait pas de conséquences ; il suffisait de « laisser faire » …
De nos jours, la situation économique est bien différente et ce, pour l’ensemble de la zone euro. A titre d’exemple, Allemagne et Italie – deux poids lourds européens – se voient créditer d’une croissance de respectivement 0,7% et -0,2% en 2019. La Belgique n’échappe pas à cette tendance au ralentissement. De surcroît, les perspectives pour 2020 sont encore plus sombres de sorte qu’il ne faut plus exclure une récession généralisée.
En tout cas, qui dit ralentissement économique dit aussi réduction des recettes fiscales. Cette diminution couplée avec l’augmentation automatique des dépenses sociales creuse le déficit public, que la Banque Nationale de Belgique a chiffré, pour sa part, à 11 milliards. Un gouvernement en affaires courantes serait totalement incapable de s’attaquer à ce problème.
Que l’on prenne le problème par n’importe quel bout, le temps est compté pour la formation du gouvernement fédéral.
Et pendant ce temps-là
On le sait, il reste dans la course à la constitution d’une coalition majoritaire huit partis : les deux partis des familles libérale, socialiste, verte plus le CD&V et la N-VA. L’élément nouveau est qu’à présent, la formation des gouvernements régionaux est au point mort. De Wever l’a lui-même précisé : « L’ombre de la situation fédérale pèse lourdement sur la formation flamande ».
Tout est à présent suspendu à la mission des informateurs royaux Reynders et Vande Lanotte, censés remettre un « rapport de préformation » fin juillet. Wait and see, tel est le mot d’ordre général. Pourtant le temps presse…
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